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13 décembre 2020 7 13 /12 /décembre /2020 13:08

Il y a des choses que j'aime observer chez mes ami·es – comme tout un·e chacun·e, mais puisque c'est une chose à partir de laquelle il est agréable d'écrire, mieux vaut l'écrire.

 

Par exemple, j'aime particulièrement la voix de R. et sa diction, sa manière de mettre en scène, inconsciemment, la pensée ; la pensée avance par petits coups prudents, de plus en plus loin dans le noir, et j'ai l'impression d'assister à de petits miracles auxquels je peux contribuer.

 

Pour C., c'est la manière qu'elle a de faire les choses. Quand je suis dans ses appartements, je peux m'asseoir ; tantôt sur son lit, tantôt sur un vieux fauteuil, rarement par terre ; et je la regarde. Elle prépare du thé, ou alors elle coupe des légumes avec un gros couteau. Ses tables sont irrégulières et parfaitement habitées. Je me sens incapable de trouver les mots qui, dans l'écriture, seraient un calque des sensations que j'éprouve en regardant C. couper des légumes / préparer du thé.

 

Mais j'ai de la chance. R., deux fois par an, écrit un poème dans lequel il évoque C. ; son écriture à lui semble capable de circonscrire la manière dont C. coupe les légumes.

 

Pourquoi l'écriture de R. est-elle capable de ça ? pourquoi la mienne, non ?

 

Pourquoi l'écriture de C. ressemble à la manière dont C. habite le monde ? si je lis un texte de C., c'est un peu comme si elle me préparait un thé aux fleurs. Je la sens, dans ma lecture, installer des petites tasses en porcelaine sur les carreaux de la table. Je vois les fleurs séchées, les livres qui servent de cale à mon fauteuil, les parfums qui flottent, la lumière complexe et chatoyante.

 

Mais je dois inventer tout ça parce que C. me manque et que j'essaie de recréer sa présence dans l'écriture. D'ailleurs j'échoue. C'est de lire un texte de Maggie Nelson, elle parle d'écriture, de mémoire, d'invention, tout ça m'intéresse.

 

Quand je lis un texte de R., est-ce que c'est R. ? un peu, mais ce n'est pas pareil. Je ne vois pas R. bouger dans ses textes. Je ne vois pas non plus T. bouger dans les siens, ou O. O., peut-être que si. Nos textes ressemblent-ils à nos qualités ? sont-ils le calque de l'image forte que nous imprimons, le temps d'un thé ou d'une discussion, dans la mémoire de nos ami·es ? je n'en sais rien. Ils peuvent peut-être jouer le rôle de substitut, de fantoches, en leur absence. Mais ce n'est pas un mauvais rôle.

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