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20 février 2023 1 20 /02 /février /2023 18:07

Chardon_bleue est arrivée, avec son corps taillé dans deux traits noirs, contrastés ; Chardon_bleue tombe, mais ne tombe pas vraiment ; elle subit la poussée d'une force légère, persistante ; elle est envahie par un très lointain bourdonnement, son corps de chair ne compte plus, ou n'est plus que véhicule pour la pensée, le remous, les marées. Va-et-vient dans l'espace, corps lâché, gourmette de chair tendue vers un seul point, lequel est lumineux aussi bien qu'il est distant.

*

pimpr3n3ll3 est venue comme on se taille deux membres, un visage et puis un buste clairs. Trois grands coups de pinceaux font corps, bien sûr inaltérable – et font bien illusion.

*

À son tour, //ravie//ravie// est apparue. Elle n'est plus qu'une grande lumière traversée par d'autres silhouettes, qu'elle ne voit pas mais qu'elle sent. Elle soupçonne qu'en ce point, angle carré et confortable, elle est bien seule ; lorsqu'elle s'en extirpera – de ce petit coin doux qu'est son dernier poème – elle rejoindra la foule muette.

*

prolixe_ est agenouillé sur le sol dur d'une chatbox, parmi d'autres corps serrés, agenouillés. Parmi les corps celui de pimpr3n3ll3 est debout, se dilate peu à peu dans l'espace brun. prolixe_ savoure la nuance de chaleur de l'endroit d'où il regarde, de tous ses yeux, les autres parler.

*

Une joute est savamment entretenue entre trisstrisstan et pavot66. Le premier s'étire, s'étale, coule comme de la boue – d'un seul mouvement sec et frénétique – tandis que la seconde pique et pince, donne de petits coups de son pied tendu. pavot66 se sent comme solitude, mince rai de lumière dans l'instertice, elle occupe le terrain à moitié, elle renoncera bientôt à l'occuper et traînera sa petite présence auprès de tous les corps agenouillés, sur le sol dur de la chatbox – sol de réconfort, union dans le cercle pour les petites présences douces.

*

Quelques-uns quadrillent l'espace. D'autres n'en occupent, fermement, qu'une portion minuscule, coincée entre deux axes. Ma portion minuscule, à moi qui vous écris, est précisément délimitée. Parfois, elle se décroche et s'éloigne, mais je la ramène vers moi d'un coup sec. J'y installe, comme autant de plantules, mes poèmes – à intervalles si réguliers qu'on dirait que j'utilise un mètre. Il n'en est rien : tout pousse calmement. Je reviens parfois vérifier que la lumière est bonne ; parfois, quand le sabot des biches a fendu les travées, je m'agenouille pour réunifier la terre brune. Tout est net, lumineux, dans cet espace que vous ne faites que traverser – je vous devine. Je devine des corps, des corps pourvus de regard – mais je ne peux deviner ni le visage des corps, ni même ce qu'exprime leur mouvement : plaisir, répulsion ou indifférence, à intervalles réguliers. Quelquefois vos corps se figent et, derrière la balustrade, m'adressent la parole ; je les salue, puis je me glisse moi aussi, rapide, hâtive, dans le coton de vos poèmes. Je ne vous adresse la parole que rarement, et comme de loin, à vous Chardon_bleue, et pimpr3n3ll3, et //ravie//ravie//, et prolixe_, et trisstrisstan, et pavot66.

*

On dirait que vous habitez trop rarement vos espaces. Seule Chardon_bleue prend soin de disposer, tous les jours, de nouveaux menus objets dans sa parcelle. Les vôtres prennent la poussière et s'embuent, s'éloignent, tandis que vous gisez agenouillé·es sur le sol dur de la chatbox. Je vous en fais le reproche : habitez plus souvent, et un peu mieux, vos jolies parcelles !

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20 février 2023 1 20 /02 /février /2023 15:00

Parce que la reine des mulots porte, sur ses épaules, le poids du monde, et que ce poids ne peut être délégué, elle prend garde à ne pas lui marcher sur les orteils, lesquels orteils sont, par nature, friables, puisqu'ils sont des orteils taillés pour une toute petite créature, moulée dans un mélange de glaise et de paille, n'ayant pour ambition que de se terrer sous la surface recourbée des plantes, ce qui provoque, dans le cœur de la reine, une sourde pitié et un peu de colère, mais elle prend garde car elle n'a rien de cruel et qu'au fond, elle est garante de l'intégrité de la chose de glaise, laquelle n'a jamais su se protéger seule, laquelle s'est plus d'une fois, et malgré toutes ses précautions, exposée à d'invraisemblables intempéries – telles que la reine n'aurait pu imaginer qu'elles existassent – tu sais, petite reine, dirait un jour la créature, je peux te raconter comment j'ai survécu à la noyade, comment toute ma peau a commencé à s'effriter sous la double action de l'eau et du courant, comme je devenais boue parmi les flots de terre humide – mais la reine, bien sûr, n'écoutait pas, elle préférait rêver à ses propres aventures, lesquelles, bien que modestes, étaient nombreuses, puisqu'une reine rencontre, au seuil de sa vie, de très nombreuses personnes, des impotentes, des suppliciées et des lointaines, depuis la place qu'elle occupe et qui n'est pas, dirait-elle un jour à la créature de glaise, une place simple, mais quelle place l'est ; question purement rhétorique à quoi la créature ne répondrait pas, du moins pas autrement que par une brève accolade, car la créature, malgré l'insondable expérience du monde qu'elle accumule depuis toujours, n'est pas avare de tendresse, et si la reine lui semble faible et inexpérimentée, elle ne lui en tient jamais rigueur, pas plus qu'elle ne tente de l'éduquer, d'en faire une reine sage, un mulot penché sur la douleur du monde, car la reine dispose encore du peu d'innocence qui lui est nécessaire pour régner, ce dont la minuscule créature est consciente, elle qui joue depuis longtemps le rôle de bâton de berger dans l'univers sale et triste des marais, depuis lesquels aucune grenouille n'est tentée de s'échapper – c'est qu'il faut être terre parmi la boue, mélange indistinct de glaise et de paille jaune, pour pouvoir s'échapper, dirait la créature au fils de la reine, un imprudent mulot qui n'avait réussi, pour l'instant, qu'à esquiver les pièges tendus par les ennemis du royaume, mais qui un jour mourrait de façon douloureuse, absurde et atroce, la reine en était persuadée, elle pensait à la créature avec ce mélange de pitié et de dégoût qu'on a pour les créatures qui, aux jours du chagrin, se tiendront docilement à vos côtés, qui cesseront de parcourir le monde de long en large pour vous épauler, bâtons faibles et efficaces et néanmoins rodés.

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20 février 2023 1 20 /02 /février /2023 14:27

Dans le petit marécage, où surnagent
Poissons, grenouilles, grandes marées
Petit marécage, où surnagent trente
Mille plantes vieilles et crevées, prurit
De l'été d'une jeune année, petit ma-
Récage – où le mulot surnage comme un
Dieu, sec et acéré : la reine des gardons
N'est pas plus avancée. Manger la terre
C'est produire une avancée, une mine gr-
Osse et contrariée. Si l'arbre s'arrête de
Pousser, qu'en est-il de la sombre ou-
Verte année ? matrice, triste procession.

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19 février 2023 7 19 /02 /février /2023 16:45

Je ne suis qu'une grande
Blessure, fracturée, une
Racine liquide, dans un
Corps gelé. Ne suis que
Verrouillée, ahurie à en
Crever, puisqu'un petit
Dégel le fait, ce mouve-
Ment (ému) de dégelée.

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17 février 2023 5 17 /02 /février /2023 00:35

Je ne suis
Que fiel
Ou mieux le dire
Que miel

Je n'ai bu
Que rage
Sabordant
Mon âge

Être simple
Cueillie
Comme fleur
Vieillie

Ou n'être que
L'orage, pleine
D'une seule
Rage

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31 décembre 2022 6 31 /12 /décembre /2022 13:04

Rêver le rêve qu'il continue

Ligne pâle et ardue, rêver l'

Hiver saison rapace, la crue

Dépasse de loin mes forces

 

Rêver le pâle hiver afin qu'il

Continue, la crue, ternie de

Lignes claires. Éclaire, rude

Lampe, le pâle hiver ; d'un

 

Février en crue. Rêver le rêve

Pour qu'il continue, en toi j'

Ai cru. Sauvetage, rapide et

Pirates, rêver un rêve en crue

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15 décembre 2022 4 15 /12 /décembre /2022 13:06

C'est pas que t'étais bonne.

Si t'étais rien que bonne on te

L'aurait pas appris.

 

C'est pas que t'étais malvenue.

T'étais venue comme une autre.

T'étais venue pour les choses.

 

Venue pour le miel, et pour la luzerne,

Arrête. C'est pour la végétation que

T'es venue puisqu'on vient pas que

 

Pour les ruches. Qu'elles bourdonnent,

Libres cardinales fourrées de jasione,

Matrices énormes pour abeilles gluantes.

 

Pour la ruche, c'est pas que t'es venue

Pour la plante, c'est pas que t'es venue

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26 novembre 2022 6 26 /11 /novembre /2022 19:08

C'était comme si c'était
Cerné d'un fin liseré
Petite mandibule
Fermée.

*

C'était comme l'aurore le
Couchant, aube et cré
Puscule, c'était ce qui
Changeait.

*

Ça pesait peu. Ça pèse
Moins.

*

Ouvrage lent, biche
Atroce comblée
D'aumônes.

*

Ru tumultueux, aubé-
Pine, genévrier.
Automne.

*

C'étaient les saisons comme elles débutent. Comme elles
S'achèvent. C'était ce qui mutile et ce qui courbe. L'herbe
Penchée, parachevée avecque  ligne obscure. Comme l'
Arbre qu'on écorce pour l'abîmer. Comme si les sentiers
De toutes les forêts n'étaient qu'un seul sentier. Ou

Qu'une clairière, un trou atroce.

*

C'était parachevé. Trop finement
Orné, battu avec une branche
De genévrier.

*

Comme une baie, trop écrasée.
Mûre à en crever. Comme un
Fin liseré.

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19 novembre 2022 6 19 /11 /novembre /2022 19:09

À Cordoue dans les étuves, dans les
Flacons, un peu de plomb, brûlé afin
Que science soit comme toute fiction
L’or d’un monde ravagé par l’ignition.

Bien sûr, c’est Marie, la mère de Sion,
Auxilio d’un autre temps pour autre
Entreprise, et même démolition. Deux
Alchimistes bien déchues le diront,

Pardon. Pardon, pour le temps qu’on
Fissure, pour l’unique blessure, pour
Tout ce qui dure. Pour ce qu’on fixe,
Pardon. L’ambition s’exprime dans

Le canevas de la seule fiction. Écri-
Vaines terribles, porteuses d’une
Seule malédiction. Filtres, tueries
Et longues migrations. Car Auxilio

Partie de l’Enfer, sème une seule
Fiction, Marie est mère de Sion.
Plomb transformé en or comme
Eau brûlée, casserole renversée

Sur le front de l’initiée. Pour que
Le temps dure, il faut qu’on soit
Bien pur, qu’on porte la blessure,
Torche brûlée par l’ignition.

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15 novembre 2022 2 15 /11 /novembre /2022 21:28

Je suis une machine à enseigner. Et cette phrase, toute nue, me vient souvent en tête – sans arrière-pensée, ni prolongations. Je peux la développer par écrit ; quand l'on commence à enseigner dans beaucoup de situations différentes, et beaucoup de choses différentes, c'est l'enseignement tout seul qui, seul, commence à prendre la place du corps. Le corps enseignant, placé devant les corps enseignés : magistralité plus ou moins grande, variabilité des affects, mais toujours corps comme support d'un savoir qu'il s'agit de transmettre. Savoir mâchouillé, savoir d'abord ingurgité, de plus en plus rapidement, puis restitué. On fait la becquée dans les salles de classe. Je suis une machine à enseigner parce que je deviens mécanique, bien huilée, rodée, consciente qu'il existe partout autour d'autres machines à enseigner. Le savoir comme mémoire bien triée, ne pas oublier, transmettre. Je suis le rouage qui assure la transmission d'une parcelle de mémoire. C'est mon métier : corps comme rempart devant l'oubli. Machine à enseigner pourvue de toute une palette de gestes à enseigner. On ruse : avec les apparences du cours. La machine à enseigner se faufile, a pour mission, plus élémentaire des missions, de transmettre le savoir sans donner la nausée. La machine à enseigner ne sait pas bien ce qu'autrui retient de la leçon ; quelle part de la mémoire est comme rattrapée. La mémoire comme sable qui coule entre les doigts de l'humanité. Machines à enseigner remparts friables. Je suis une machine à enseigner bien appliquée : le même savoir, élémentaire, transmis avec les mêmes gestes aux stagiaires, aux enfants, aux étudiant·es. Aux lycéen·nes. Aux collégien·nes. Aux ami·es, quelquefois et sans y prendre garde. Machine à enseigner support transitoire : savoir mâchouillé, aussitôt oublié. Par mon corps comme machine ont transité savoirs druidiques, historiques ; linguistiques et numériques. Savoirs poétiques et savoirs méthodologiques. Grammaticaux, philosophiques. Questions pour amener savoir à se former : gestes, jeux, dialogue pour de faux. Ou pour de vrai : on sort du rôle. On échappe, on n'est plus la machine. Le rire comme huile dans le rouage, et le sourire pour apaiser. Savoir perçu comme dangereux, machine à apaiser. Je tapote, j'invite, j'accueille : dans les bras de tout savoir. Savoirs indifférents ; ne suis que véhicule.

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